Faut-il repenser les statuts de la fonction publique ?

Faut-il repenser les statuts des agents publics ? C’est une question que de nombreux employeurs publics se posent aujourd’hui, tant les difficultés de recrutement, de mobilité et de fidélisation s’accumulent. Face à ces tensions croissantes, Vincent Lescaillez, Directeur général adjoint en charge des ressources humaines à Bordeaux Métropole et président de l’Association des DRH des grandes collectivités (ADRHGCT), partage une lecture lucide, experte, mais non alarmiste.

Avec lui, on explore les limites du cadre actuel… mais aussi les opportunités de faire évoluer les choses, sans dénaturer les valeurs du service public.

Présentation de l'invité : Vincent Lescaillez

« Le statut n’est ni un problème, ni une solution : c’est un cadre. Ce qui compte, c’est ce qu’on en fait. »

Vincent Lescaillez est Directeur général adjoint RH à Bordeaux Métropole. Il est également président de l’ADRHGCT, qui réunit les DRH des grandes collectivités françaises. Son parcours dans les collectivités territoriales et son implication au sein de ce réseau en font un observateur privilégié des transformations à l’œuvre dans la gestion des ressources humaines publiques.

Décryptage des idées clés

Le statut : une promesse de justice avant d’être un cadre juridique

Derrière les articles de loi, le statut n’est pas qu’un texte administratif : c’est une promesse. Celle de garantir à chaque agent un traitement équitable, une sécurité face à l’arbitraire, et la possibilité d’agir au service de tous sans subir de pressions politiques ou personnelles. Ce n’est pas un privilège, mais un bouclier. C’est ce qui permet à chacun de parler vrai, de défendre une éthique de travail, de servir sans craindre pour son poste.

Repenser le statut, ce n’est donc pas seulement débattre de mobilité ou de carrière : c’est toucher à ce qui fonde la loyauté des agents et leur capacité à exercer avec intégrité. Tant qu’il protège la justice, il reste vivant.

Moins rigide qu’on ne le croit, plus méconnu qu’on ne le dit

On accuse souvent le statut d’être rigide, dépassé, incompatible avec la modernité. Pourtant, ceux qui le connaissent de l’intérieur savent qu’il offre déjà de nombreuses marges de manœuvre : détachement, mobilité, expérimentations, reconversions. Le vrai problème, c’est moins le statut que notre manière de l’habiter. Beaucoup d’agents ne connaissent pas les leviers qu’il contient, ni la souplesse qu’il autorise.

Le statut, bien utilisé, n’est pas un frein mais un terrain de liberté : il fixe un cadre clair, à l’intérieur duquel on peut innover, bouger, évoluer. C’est une architecture vivante, à condition qu’on en reprenne la maîtrise collective.

L’avenir du statut se joue dans la confiance, pas dans la réforme

Faut-il “réformer le statut” ? Peut-être. Mais la vraie question est ailleurs : faisons-nous encore confiance à ce qu’il symbolise ? Le statut n’a jamais eu pour but d’empêcher le changement, il a été créé pour le rendre juste. Aujourd’hui, à l’heure où les contractuels se multiplient et où la frontière entre public et privé se brouille, l’enjeu n’est pas de tout refondre, mais de réaffirmer un cap : préserver un socle commun de droits et de sens.

Ce qui doit évoluer, ce n’est pas le principe du statut, mais la manière dont il est incarné, compris, transmis. Car un texte, aussi solide soit-il, ne vaut que par la conscience de ceux qui le font vivre.

Fonction Publique Mon Amour est un média indépendant créé par Linda Comito.
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