La génération Z ne veut plus sacrifier le sens, l’équilibre ou la liberté au nom de la sécurité. Alors que les jeunes diplômés cherchent des environnements de travail plus souples, ouverts et porteurs de valeurs, la fonction publique continue d’attirer… mais peine à fidéliser.
Dans cet épisode, Élodie Gentina partage ses analyses sur les attentes de cette jeunesse et sur les ajustements possibles dans le secteur public. Un échange sans faux-semblants pour interroger la capacité de la fonction publique à se réinventer face aux nouvelles générations.
« Les jeunes veulent plus qu’un bon salaire : ils veulent de l’écoute, de la souplesse, et un engagement réel. »
Élodie Gentina est enseignante-chercheuse à l’IÉSEG School of Management, spécialiste de la génération Z. Elle travaille depuis plus de dix ans sur les comportements, les attentes et les rapports au travail de cette génération.
Elle est l’autrice de plusieurs ouvrages dont Marketing et génération Z (Dunod) et intervient régulièrement auprès des organisations publiques et privées pour les aider à mieux comprendre les jeunes talents.
Le marché du travail contemporain est traversé par un mouvement profond : les jeunes générations ne cherchent plus à “faire carrière” au sens classique, mais à trouver un équilibre entre stabilité, liberté, progression et sens. Ce basculement n’est pas un caprice générationnel ; il traduit l’évolution d’un monde professionnel plus incertain, plus exigeant et plus ouvert. Les choix de carrière deviennent réversibles, les trajectoires plus sinueuses, et le rapport à l’engagement évolue.
Ce que montre l’épisode, c’est que cette réalité percute de plein fouet la fonction publique, dont la culture professionnelle reste construite sur des logiques de long terme, de fidélité institutionnelle et de progression interne lente. Les jeunes entrants, eux, évaluent différemment : ils testent, comparent, explorent. Ils regardent la cohérence entre discours et réalité managériale, la capacité d’un employeur à tenir ses promesses, la place accordée à l’autonomie ou au collectif.
La fonction publique, en conservant des repères fondés sur une stabilité présumée, peine à comprendre ce mouvement. Le défi n’est pas de “séduire la génération Z”, mais d’accepter que le rapport au travail a muté, et d’adapter l’organisation à cette nouvelle grammaire professionnelle.
Les données et exemples évoqués dans l’épisode montrent que la baisse d’attractivité ne tient pas à un rejet du service public, mais à un décalage entre les attentes des jeunes et la manière dont les administrations structurent le travail. Pendant longtemps, le statut suffisait comme argument d’attractivité : sécurité de l’emploi, visibilité sur la carrière, équilibre des horaires. Ce modèle ne répond plus aux attentes actuelles. Ce qui compte aujourd’hui, c’est l’expérience vécue : qualité du management, rythme de travail soutenable, accès à la progression, missions stimulantes, reconnaissance réelle.
Le problème n’est donc pas que les jeunes ne veulent pas travailler dans la fonction publique, mais qu’ils ne veulent plus y rester si l’expérience réelle ne correspond pas à leurs attentes. Les départs précoces après concours illustrent ce décalage : les agents investissent dans la réussite, mais découvrent ensuite une organisation qui ne valorise pas suffisamment leur implication ou leurs compétences.
L’attractivité devient alors un processus continu : du recrutement à la prise de poste, de l’accueil à l’évolution. Les employeurs publics qui ne travaillent que le premier maillon ne fidélisent pas. Ceux qui investissent dans le quotidien retiennent mieux, car ils transforment l’entrée en une trajectoire possible et non en un simple poste occupé.
L’épisode montre combien la tentation est grande d’expliquer les difficultés actuelles par un “problème générationnel” : jeunes trop volatils, seniors trop rigides, incompréhensions mutuelles. Ce récit est séduisant, mais il masque l’essentiel : l’essentiel se joue dans l’organisation du travail, pas dans la personnalité des individus. Les tensions perçues ne sont pas la conséquence d’un fossé générationnel, mais d’un système qui peine à articuler des attentes différentes dans un contexte déjà fragilisé.
Les jeunes cherchent du sens, de la clarté, du retour sur effort, et des espaces pour contribuer. Les plus expérimentés cherchent de la stabilité, de la reconnaissance, et des conditions d’exercice soutenables. Ces attentes ne sont pas incompatibles. Ce qui les rend conflictuelles, c’est l’absence de régulation collective : manque de priorisation, management surchargé, sous-effectif chronique, règles floues.
En réalité, lorsque l’organisation est claire, régulée et soutenante, les générations cohabitent sans heurt. Le conflit disparaît, parce que chacun trouve sa place dans un cadre lisible. À l’inverse, quand tout repose sur les individus, la différence d’âge devient un prétexte commode. Le décryptage conduit à une conclusion forte : pour réduire les tensions, il faut travailler la structure, pas les stéréotypes.
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