Et si les organisations publiques avaient plus à apprendre de la biologie que du management privé ? Dans cet épisode inspirant, le biologiste Olivier Hamant nous invite à changer notre regard.
Face à la tentation de la performance à tout prix, il plaide pour une logique de robustesse — cette capacité à rester viable malgré les perturbations. Un échange salutaire, à rebours des discours dominants sur l’efficience.
« Ce n’est pas la performance qui sauve un système, c’est sa robustesse. »
Olivier Hamant est biologiste, directeur de l'institut Michel Serres, chercheur à l’Inrae et auteur de plusieurs ouvrages, dont La Troisième voie du vivant. Il travaille sur la robustesse du vivant et les leçons que les systèmes biologiques peuvent offrir à nos modèles organisationnels. Défenseur d’un rapport apaisé au temps, au risque et à la complexité, il propose une vision renouvelée de la transformation publique.
Être robuste, ce n’est pas être dur. C’est être vivant, adaptable, souple, comme un organisme qui encaisse les chocs sans perdre son identité. Dans un environnement professionnel mouvant — réformes, crises, injonctions contradictoires — la robustesse consiste à garder un cap intérieur. Pour un agent public, cela veut dire : tenir dans la durée sans s’endurcir. Trouver l’équilibre entre stabilité et plasticité.
Comme dans le vivant, la robustesse ne vient pas de la perfection mais de la capacité à se régénérer après chaque déséquilibre. Elle repose sur la respiration collective, sur l’appui d’une équipe et sur la conscience d’un sens commun. Être robuste, c’est accepter qu’on ne contrôle pas tout, mais qu’on peut toujours rebondir ensemble.
Le monde du travail glorifie souvent la performance et la maîtrise. Pourtant, c’est dans nos failles que se construit la vraie solidité. Dans la nature, les systèmes robustes ne se protègent pas de leurs erreurs : ils les utilisent pour évoluer. De même, un service, une équipe, un agent gagnent en force lorsqu’ils transforment leurs fragilités en leviers d’apprentissage.
La robustesse collective naît quand on introduit du “jeu dans les rouages” — un peu de marge, d’humour, d’imperfection. Reconnaître sa vulnérabilité, c’est créer un espace d’ajustement. Dans la fonction publique, cela pourrait signifier : cesser de viser le zéro défaut, et préférer le “vivant qui apprend” à la “machine qui exécute”.
Dans un monde incertain, le spécialiste pur devient fragile. Ce qui protège, c’est la diversité des compétences, la curiosité, l’envie d’apprendre sans cesse. Pour les agents publics, la robustesse n’est pas dans la rigidité des fiches de poste, mais dans la capacité à élargir son champ d’action, à croiser les regards, à sortir de sa zone de confort.
La polyvalence n’est pas un renoncement à l’expertise : c’est une manière de rester agile, de mieux comprendre les interactions entre métiers, et d’enrichir son jugement. Elle fait de chacun un acteur complet, capable de contribuer autrement selon les circonstances. Dans le vivant comme dans l’administration, la diversité, c’est la condition de la résilience.