Non, la complexité n’est pas une excuse : elle se pilote

La complexité dans les projets publics n’est pas un piège, c’est un terrain d’apprentissage.

Charlotte Dattée, experte des transformations publiques, partage une boîte à outils pensée pour celles et ceux qui affrontent l’incertitude du réel.

Poser un cadre clair, créer les conditions d’une coopération sincère, accepter le mouvement sans s’y perdre : trois leviers essentiels pour piloter autrement, avec lucidité et confiance.

Présentation de l'invité : Charlotte Dattée

« On ne gère pas un projet complexe avec des recettes simples. On avance avec une boussole, pas avec une carte. »

Charlotte Dattée est fondatrice de Fluidivance, cabinet qui accompagne les organisations publiques et leurs équipes dans les transformations complexes. Ancienne cheffe de mission à la Direction interministérielle du numérique (DINUM), elle a conçu et piloté des projets stratégiques liés aux talents, à la coopération et à l’innovation dans l’action publique.

Elle partage ici une lecture pratique et humaine de la complexité, forgée au cœur des administrations.

Décryptage des idées clés

Poser un cadre clair dans un environnement mouvant

Le premier réflexe face à la complexité, explique Charlotte Dattée, n’est pas de tout clarifier mais de poser un cadre suffisamment solide pour que chacun sache où il agit. Un cadre, ce n’est pas une procédure : c’est un espace commun de sens, un langage partagé entre acteurs.

Dans les projets complexes, les objectifs se redéfinissent sans cesse, les priorités évoluent, et les parties prenantes changent. Sans cadre, tout se dilue. Mais trop de cadre tue l’initiative.

La clé est donc l’ajustement : dire ce qui est non négociable (valeurs, objectifs de fond), et accepter le reste comme zone d’adaptation. Ce n’est pas une perte de contrôle, c’est une forme d’intelligence collective. Comme elle le dit : « Dans un environnement mouvant, le cadre, c’est ce qui reste quand tout le reste bouge. »

Faire de la coopération un outil, pas une contrainte

La coopération ne se décrète pas, elle se construit. Dans les projets complexes, elle n’est pas un supplément d’âme mais un levier de pilotage. Charlotte Dattée insiste sur le rôle du chef de projet comme “traducteur” entre mondes : celui des élus, des agents, des prestataires, des usagers.

Coopérer, c’est accepter la pluralité des points de vue et transformer les tensions en matière première de travail. Cela suppose d’écouter activement, de reformuler, de partager la responsabilité plutôt que de la concentrer.

Elle le résume ainsi : « Dans la complexité, personne ne détient la solution seul. Mais ensemble, on peut fabriquer du sens. »

C’est une posture managériale autant qu’un savoir-faire. Elle demande du courage, de la lenteur parfois, et une vigilance constante sur la qualité du lien.

Décider malgré l’incertitude : la boussole plutôt que la carte

Dans un projet complexe, vouloir tout anticiper est illusoire. La décision devient un acte d’orientation plus que de certitude. Charlotte Dattée parle d’une “boussole collective” : une vision commune qui permet de choisir la prochaine étape, sans exiger de connaître la suivante.

Cette approche change tout : on évalue moins la conformité à un plan que la cohérence avec une direction.

Elle invite les managers publics à assumer la part d’inconfort : décider, c’est parfois avancer sans garantie.

Mais c’est aussi libérateur : « Ce n’est pas le flou qui est dangereux, c’est l’absence de sens partagé. »

Apprendre à décider dans le brouillard, c’est renouer avec la responsabilité profonde de l’action publique : celle de faire, même quand c’est difficile.

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