La fonction publique doit-elle se conformer aux standards de productivité du privé ? Ou bien inventer une autre voie, fidèle à ses missions et à ses valeurs ? Dans cet épisode Romain Bisseret, coach professionnel, partage son regard sur les tensions entre efficacité, sens du service public, et santé des agents.
« On ne peut pas demander à des agents d’être performants s’ils ne comprennent plus pourquoi ils font ce qu’ils font. »
Romain Bisseret est coach en productivité personnelle et formateur de formateurs. Ancien musicien et comédien, il a construit un parcours éclectique avant de se consacrer à l’accompagnement professionnel. Son approche : aider chacun à mieux s’organiser sans sacrifier sa santé mentale. Bien qu’il n’ait jamais travaillé dans la fonction publique, il intervient ici pour éclairer les enjeux d’organisation et de charge mentale auxquels sont confrontés de nombreux agents.
Dans le monde du travail, le mot “productivité” évoque souvent la vitesse, la rentabilité, la pression. Mais dans la fonction publique, cette logique sonne faux. Les agents ne “produisent” pas des biens, ils créent des liens, règlent des situations, gèrent l’imprévu. Leur travail n’est pas quantifiable. Pourtant, le sentiment d’être submergé s’installe, comme si l’efficacité se mesurait à la quantité de mails traités ou de réunions tenues.
Repenser la productivité, c’est remettre de la justesse dans son rythme : identifier ce qui a vraiment de la valeur, concentrer son énergie sur ce qui fait sens. La productivité devient alors une posture intérieure, une écologie de soi. Être productif, ce n’est pas courir, c’est choisir.
L’efficacité sans conscience vide le métier de son sens
Nous sommes devenus experts en procédures, indicateurs, tableaux de bord. Mais à force de chercher à prouver notre efficacité, on oublie pourquoi on agit. L’efficacité sans conscience finit par rendre le travail absurde. Dans la fonction publique, elle prend souvent la forme d’un paradoxe : des agents sincèrement engagés, mais épuisés par des objectifs déconnectés du réel.
Retrouver la conscience de ce qu’on fait, c’est réhabiliter la valeur invisible : l’écoute, la médiation, la continuité, la présence. Ce sont ces gestes-là qui font la qualité du service rendu — même s’ils ne rentrent dans aucune case Excel. L’efficacité n’est pas un ennemi : c’est un outil qui doit retrouver un sens humain.
Le temps long : la vraie puissance des agents publics
Dans une société obsédée par la rapidité, la fonction publique cultive une vertu rare : le temps long. Les agents travaillent dans la durée, avec une mémoire, une fidélité, une constance qui échappent à la logique du rendement immédiat. Ce temps long est une richesse, pas une inertie. C’est ce qui permet aux politiques publiques de tenir, aux territoires d’évoluer sans se rompre, aux équipes de construire de la confiance.
La vraie productivité, ici, ne se compte pas en chiffres mais en traces durables : une situation apaisée, un service amélioré, une relation consolidée. La force de la fonction publique, c’est de rappeler à la société que certaines choses n’ont de valeur que si elles prennent du temps.
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