Legal Design : révolutionner la compréhension du droit public

Le droit est souvent vu comme complexe, inaccessible, voire intimidant. Pourtant, il est au cœur de nos vies quotidiennes et de l’action publique. Et si on changeait notre manière de le présenter ?

Le Legal Design propose une approche visuelle, simplifiée et orientée utilisateur pour réconcilier les citoyens avec le droit. Dans cet épisode, Sophie Lapisardi, avocate et pionnière du Legal Design en France, nous explique pourquoi et comment cette méthode change la donne, notamment dans les collectivités territoriales et les services publics.

Présentation de l'invitée : Sophie Lapisardi

« Le Legal Design, c’est un mode de pensée centré sur l’utilisateur, sur la résolution du problème. »

Sophie Lapisardi est avocat au barreau de Paris, fondatrice du cabinet Lapisardi Avocats. Spécialiste du droit public économique, elle accompagne depuis plus de 20 ans les acteurs publics sur les questions de commande publique, de montages contractuels et de performance juridique des achats.

Elle intervient également en tant que formatrice et conférencière dans de nombreuses structures publiques.

Décryptage des idées clés

Le droit ne devient lisible que lorsqu’il est pensé comme une information, pas comme un corpus

La plupart des organisations continuent de traiter le droit comme un ensemble de règles à transmettre, alors qu’il fonctionne surtout comme une information à rendre utilisable. La différence est décisive. Lorsqu’on pense “règles”, on produit des notes longues, des argumentaires denses, des documents structurés selon les logiques internes des juristes. Lorsqu’on pense “information”, on s’intéresse à la manière dont un destinataire va comprendre, interpréter et mobiliser ce contenu dans sa pratique.

Ce changement de perspective déplace la charge du travail : ce n’est plus au lecteur de décoder le droit, c’est à l’émetteur de structurer l’information pour qu’elle soit immédiatement exploitable. Cette évolution répond à un phénomène massif : la baisse du temps disponible pour lire et la demande croissante de synthèses fiables. L’enjeu n’est pas de simplifier la matière juridique, mais de la rendre accessible en clarifiant l’essentiel, en ordonnant la logique du raisonnement et en facilitant l’appropriation.

Le droit ne perd rien lorsqu’il devient plus clair ; au contraire, il gagne en efficacité. Il quitte le registre de l’autorité abstraite pour devenir un outil de décision et de compréhension. Dans les organisations publiques, ce renversement de logique transforme la place du service juridique : il devient un acteur de lisibilité, pas seulement de conformité.

Les organisations fonctionnent mieux lorsque le juridique devient un partenaire de coopération

Dans de nombreuses structures, le juridique reste perçu comme un service “à part”, consulté tardivement, sollicité en cas de problème ou vécu comme un filtre contraignant. Cette segmentation crée des frictions évitables : incompréhensions, retards, tensions autour des validations, méfiances réciproques.

Une approche centrée sur la coopération change cette dynamique. Le juridique cesse d’être une instance de contrôle pour devenir un acteur intégré à la chaîne de valeur. Cela suppose de partager les informations plus tôt, de clarifier les attentes, de faire émerger une vision commune des objectifs et de construire des processus fluides entre services.

Ce fonctionnement collaboratif n’est pas qu’une question d’organisation interne. Il répond à une réalité simple : le droit ne produit ses effets que lorsqu’il est compris de manière cohérente par tous les acteurs concernés. En travaillant avec les achats, les ressources humaines ou les directions opérationnelles, le juridique devient un facilitateur. Il sécurise en amont, accompagne la prise de décision et réduit les arbitrages tardifs qui génèrent les blocages les plus coûteux.

Quand la coopération devient la norme, la compétence juridique se diffuse dans toute l’organisation. Le droit se met au service du projet, et non l’inverse.

La valeur juridique dépend autant de la forme que du contenu

Dans les métiers du droit, la forme est souvent considérée comme un détail, un simple “habillage” d’un raisonnement solide. En réalité, la forme est un vecteur de compréhension et donc un élément central de la qualité du travail. On ne peut pas isoler le fond du support qui le porte.

Une information juridique mal structurée perd son efficacité : elle mobilise trop de temps, génère des interprétations erronées, alimente les tensions entre services et augmente la probabilité d’erreurs. À l’inverse, une information claire, concise et visuelle soutient la prise de décision, augmente la précision opérationnelle et renforce la confiance dans le travail du juridique.

La forme n’est pas cosmétique. C’est une technologie cognitive : elle organise la manière dont le cerveau reçoit, trie et mémorise une information. Utiliser des schémas, des hiérarchies de contenus, des scénarios d’usage ou des documents synthétiques n’est pas un geste marketing, mais un geste professionnel.

Lorsque les organisations acceptent que la forme fasse partie intégrante du travail juridique, elles gagnent en efficacité, en rapidité et en cohérence. Le droit devient un langage partagé plutôt qu’un territoire réservé aux experts.

Fonction Publique Mon Amour est un média indépendant créé par Linda Comito.
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