Crise d’attractivité de la fonction publique : Comprendre

Recrutements difficiles, concours désertés, métiers en tension : la fonction publique connaît une crise d’attractivité sans précédent. Mais de quoi parle-t-on exactement ? Et comment sortir de l’empilement de constats pour passer à l’action ?

Dans cet épisode, Johanna Barasz, cheffe de projet à France Stratégie, revient sur deux années de travaux pour objectiver les racines de cette crise.

Un épisode essentiel pour sortir des idées reçues et penser des leviers adaptés à la réalité des trois versants de la fonction publique.

Présentation de l'invitée : Johanna Barasz | France Stratégie

« On parle souvent de rémunération, mais le problème de l’attractivité est bien plus large : il touche aussi à la reconnaissance, au sens, aux parcours, au quotidien. »

Johanna Barasz est cheffe de projet à France Stratégie, où elle a coordonné les travaux du comité interministériel sur l’attractivité de la fonction publique.

Avec son équipe, elle a produit plusieurs rapports de référence, nourris d’entretiens, d’enquêtes terrain et de données comparatives, pour éclairer les mécanismes profonds qui expliquent les tensions actuelles sur les recrutements publics.

Décryptage des idées clés

L’attractivité publique dépend de la capacité à rendre les parcours lisibles

L’analyse des travaux présentés dans la transcription montre un phénomène désormais bien installé : la fonction publique souffre moins d’un manque d’intérêt que d’un manque de lisibilité. Les candidats savent que le secteur public propose des missions utiles, mais ils peinent à comprendre comment s’y projeter. Les parcours apparaissent flous, les conditions d’accès complexes, et les perspectives insuffisamment explicitées. Cet écart entre l’image souhaitée et l’expérience réelle nourrit un sentiment d’opacité qui fragilise l’attractivité.

La lisibilité n’est pas seulement affaire de communication. Elle touche la manière dont les administrations structurent les points d’entrée, expliquent les attendus des postes, rendent compréhensibles les règles d’évolution et donnent à voir le quotidien du travail. Les jeunes candidats – mais pas seulement eux – cherchent un environnement où les règles sont compréhensibles et où les étapes de progression sont identifiées. Lorsque ces éléments sont absents, l’organisation paraît rigide, distante et difficile à appréhender.

Le défi pour les employeurs publics consiste donc à transformer leurs pratiques pour rendre les trajectoires plus intelligibles : clarifier ce qui relève du concours, du recrutement direct, de la mobilité possible, et des compétences attendues. La lisibilité devient alors un levier d’attractivité à part entière, capable de redonner confiance et envie de rejoindre le service public.

Les difficultés d’attractivité révèlent une tension structurelle entre attentes sociales et fonctionnement institutionnel

L’étude présentée dans la transcription souligne une dynamique profonde : les attentes des personnes à l’égard du travail ont évolué plus rapidement que les mécanismes institutionnels des administrations publiques. Les agents potentiels recherchent davantage de sens, de reconnaissance, de cohérence managériale et de perspectives concrètes. Ils évaluent un employeur sur sa capacité à tenir ses promesses, à offrir un environnement de travail soutenable et à reconnaître la valeur du travail accompli.

De leur côté, les organisations publiques continuent de fonctionner selon des cycles longs, des processus complexes et des cadres réglementaires difficiles à adapter. Cette inertie n’est pas un manque de bonne volonté : elle résulte de structures conçues pour garantir la neutralité, la stabilité et la continuité du service public. Mais dans un marché de l’emploi devenu concurrentiel, cette stabilité peut être perçue comme une forme de rigidité.

La tension ne vient donc pas d’un désintérêt pour le service public, mais d’un décalage entre les aspirations contemporaines et la capacité des institutions à les intégrer. L’attractivité ne pourra progresser que si l’organisation ajuste ses pratiques : simplification des processus, renforcement de l’accompagnement managérial, clarification des attentes et valorisation concrète des compétences.

L’attractivité ne se joue plus seulement sur l’entrée : elle repose sur l’ensemble du cycle de vie professionnel

La transcription met en évidence un point déterminant : les difficultés de recrutement ne peuvent plus être analysées séparément des difficultés de fidélisation. De nombreuses personnes se disent attirées par les missions publiques, mais se heurtent à des expériences internes qui ne correspondent pas à leurs attentes. Les départs précoces, les renoncements en cours de processus ou les mobilités subies témoignent d’un même phénomène : la qualité de l’expérience professionnelle conditionne autant l’attractivité que les conditions d’entrée.

Le parcours professionnel devient le véritable terrain d’arbitrage : qualité du management, charge de travail soutenable, possibilités d’évolution, reconnaissance, modalités d’organisation, autonomie réelle. Lorsque ces éléments sont maîtrisés, la fonction publique retrouve toute sa force d’attraction ; lorsqu’ils vacillent, les efforts de recrutement perdent leur portée.

L’enjeu consiste alors à penser l’attractivité comme un continuum. Recruter, accueillir, intégrer, accompagner, faire évoluer : chaque étape participe de l’envie de rester et de se projeter. Une administration qui investit uniquement dans la phase d’entrée se prive de leviers déterminants. À l’inverse, une approche globale permet de construire une dynamique de confiance durable, d’autant plus nécessaire dans un marché de l’emploi sous tension.

Références et ressources utiles

Fonction Publique Mon Amour est un média indépendant créé par Linda Comito.
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