Métiers en tension, concours en berne : les défis RH de la territoriale

Concours désertés, métiers introuvables, offres sans réponse : la fonction publique territoriale est-elle face à une crise de l’emploi ?

Dans cet épisode, Cindy Laborie, décrypte les enseignements de la 13e édition du Panorama de l’emploi territorial du FNCDG. Ce baromètre national, construit à partir des données des centres de gestion, permet de prendre la mesure des tensions RH, mais aussi d’identifier des marges de manœuvre.

Un échange éclairant pour mieux comprendre les dynamiques de recrutement, les attentes des agents… et les défis à venir pour les collectivités.

Présentation de l'invitée : Cindy Laborie

« Aujourd’hui, les tensions sur le marché [...] font qu’il y a une certaine concurrence entre les employeurs, qu'ils soient publics ou privés d'ailleurs. »

Cindy Laborie est responsable des affaires juridiques à la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG), réseau national d’appui RH aux employeurs publics territoriaux.

Elle participe activement à la production du Panorama de l’emploi territorial, un outil de référence qui analyse les données de recrutement, de concours, de mobilité et de gestion des emplois dans la FPT.

Décryptage des idées clés

Les tensions de recrutement révèlent un changement profond du marché de l’emploi public

Les données du Panorama montrent une transformation durable du marché du travail territorial. La demande augmente, les besoins se diversifient, mais le volume de candidats ne suit plus. Cette situation crée un décalage structurel : les collectivités publient, mais ne pourvoient pas toujours ; les candidats se présentent, mais ne s’engagent pas forcément ; les processus s’allongent, et les équipes doivent absorber les manques. Ce déséquilibre révèle une évolution plus large : la territorialité n’est plus en situation de force. Elle ne bénéficie plus de l’attractivité naturelle qu’elle avait historiquement, quand la stabilité statutaire suffisait à attirer des profils motivés. Désormais, les compétences attendues sont recherchées par plusieurs secteurs, et les agents potentiels arbitrent entre plusieurs projets professionnels. Cette concurrence remet en question un modèle où les offres publiques se suffisaient à elles-mêmes. Elle oblige à repenser la manière de recruter : lisibilité des missions, délais raccourcis, suivi des candidatures, argumentaire sur l’expérience professionnelle. Pour rester attractive, une collectivité doit montrer ce qui la distingue, non pas copier les pratiques privées, mais assumer son identité d’employeur utile, structuré, porteur de sens et capable de proposer une expérience professionnelle durable.

Les métiers en tension interrogent la capacité des organisations à anticiper les besoins

Les métiers en tension ne sont pas un simple problème de recrutement : ils signalent une difficulté plus profonde à anticiper les besoins réels des services. Les filières technique, médico-sociale, petite enfance et numérique concentrent une grande partie des difficultés, car elles exigent des compétences pointues, rares et fortement sollicitées sur l’ensemble du marché. Cette rareté heurte des organisations qui se transforment parfois moins vite que les métiers eux-mêmes. La montée en expertise, l’autonomie attendue, la diversification des missions et la pression opérationnelle complexifient encore le recrutement. Pour les collectivités, le défi n’est pas seulement d’identifier des candidats, mais de rendre visibles des missions souvent mal comprises ou décrites de manière trop générique. Le travail à mener porte autant sur les fiches de poste que sur la structuration des parcours internes, l’actualisation des compétences attendues, la formation certifiante ou la redistribution de certaines tâches. Les tensions deviennent alors un indicateur : elles montrent là où les organisations doivent investir, clarifier, moderniser. Tant que les besoins évoluent plus vite que la capacité à les formaliser, les recrutements resteront difficiles. Inversement, les collectivités qui anticipent gagnent en attractivité, en efficacité et en qualité de service rendu.

L’attractivité dépend désormais de l’ensemble du parcours professionnel, pas seulement du recrutement

Le Panorama met en évidence un point clé : attirer ne suffit plus, il faut retenir. Beaucoup de collectivités voient des candidats se retirer en cours de processus, refuser une proposition ou quitter leur poste après quelques mois. Ce phénomène montre que l’attractivité se construit au fil du parcours, pas uniquement à l’entrée. Pour un agent, le choix d’un employeur repose autant sur l’expérience quotidienne que sur la fiche de poste. Conditions de travail, reconnaissance, perspectives d’évolution, cohérence managériale, accès à la formation et lisibilité des missions prennent une importance décisive. Une organisation qui néglige ces dimensions se prive de leviers de fidélisation essentiels. À l’inverse, celles qui investissent dans l’accueil, la montée en compétences et l’accompagnement des parcours renforcent leur stabilité interne et leur réputation externe. L’enjeu n’est donc plus seulement de « remplir » les postes, mais de créer un environnement où les agents souhaitent rester. Cette approche globale transforme la logique RH : le recrutement devient un point d’entrée dans un système plus large. Si ce système est fluide, compréhensible et soutenant, il renforce l’attractivité. S’il est opaque ou rigide, il fragilise les équipes et nourrit les départs. L’attractivité durable se joue dans cette cohérence d’ensemble.

Références et ressources utiles

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