L’emploi à vie, une idée reçue qui freine la transformation publique ?

Peut-on être licencié quand on est fonctionnaire ? Oui, répond Lorène Carrère, avocate en droit public.

Mais derrière la question juridique, c’est un sujet plus large qui s’ouvre : celui de la responsabilité, du dialogue managérial et du courage collectif.

Parler du licenciement, c’est interroger le rapport au travail et à la transformation de la fonction publique.

Présentation de l'invité : Lorène Carrère

« Le vrai sujet, ce n’est pas le licenciement, c’est tout ce qu’on n’a pas fait avant. »

Lorène Carrère est avocate, spécialiste du droit de la fonction publique et du contentieux administratif. Elle accompagne depuis plus de quinze ans des collectivités et établissements publics sur les questions statutaires, disciplinaires et managériales.

Son regard, à la fois juridique et humain, éclaire les tensions entre protection et responsabilité au sein du service public.

Décryptage des idées clés

La culture du licenciement reste marginale dans la fonction publique

Dans la fonction publique, le licenciement demeure une mesure d’exception. Les chiffres montrent une rareté presque symbolique, notamment dans la fonction publique d’État, où quelques cas d’insuffisance professionnelle sont recensés sur des millions d’agents. Ce faible volume traduit une culture institutionnelle fondée sur la stabilité et la protection de l’emploi public.

Cette spécificité crée une forme de paradoxe : la sécurité statutaire protège, mais elle peut aussi freiner la responsabilisation et l’évolution des pratiques managériales. Derrière la rareté du licenciement se joue une conception particulière du lien de travail, fondée davantage sur la carrière que sur la performance. En creux, cette réalité questionne la capacité du système public à réguler efficacement les situations d’inadéquation professionnelle.

La diversité des motifs révèle la complexité du cadre juridique

Sous le terme générique de « licenciement », se cache une mosaïque de situations : sanctions disciplinaires, insuffisance professionnelle, inaptitude physique, suppressions de poste ou encore décharges d’emploi fonctionnel. Chacune obéit à des procédures spécifiques, avec ses garanties statutaires, ses recours possibles et ses enjeux humains.

Dans la fonction publique, la révocation reste associée à la discipline, tandis que l’insuffisance professionnelle ou l’inaptitude relèvent d’autres logiques, souvent médicales ou managériales.

Cette complexité protège les agents mais rend la gestion des ressources humaines plus lourde. Elle souligne la tension permanente entre droit, éthique et efficacité, et montre combien la culture administrative reste attachée à la forme, parfois au détriment de la fluidité décisionnelle.

Les emplois fonctionnels : un terrain sensible d’exposition et de précarité

Les cadres dirigeants des collectivités, occupant des emplois fonctionnels, se trouvent dans une position singulière : détachés sur des fonctions à haute responsabilité, ils peuvent être déchargés de leur poste si la relation de confiance avec l’élu s’effrite. Cette spécificité introduit une dose de précarité dans un univers perçu comme rigide. La fin de détachement peut conduire au reclassement, au surnombre, voire au licenciement si aucun poste n’est disponible.

Cette situation illustre le dilemme des fonctions publiques locales : conjuguer loyauté politique, compétence professionnelle et sécurité de l’emploi. Elle met en lumière le coût humain et financier de ces ruptures, mais aussi l’enjeu de professionnaliser la relation entre élus et directions générales pour éviter que la confiance ne devienne un instrument de fragilité.

Fonction Publique Mon Amour est un média indépendant créé par Linda Comito.
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